Gustave Flaubert

Gustave Flaubert

L’œuvre de Flaubert, fondatrice par sa nouveauté et par son influence, se réduit à quelques grands romans et à un Dictionnaire, qui ont représenté des années de labeur.

L’ennui provincial
Pour Flaubert, tout commence par l’ennui, à Rouen où il naît en 1821. Son père est chirurgien, sa mère s’occupe des enfants. Gustave est « l’enfant du milieu », entre un frère aîné lointain et une jeune sœur. Enfant, il a déjà une puissante imagination et n’a plus aucune illusion sur l’homme. À vingt ans, il lit Rabelais, Byron, Homère, Shakespeare, Goethe et se « fout » de tout, attitude qui incarne ce « grotesque triste » qu’il a lui-même inventé comme catégorie littéraire. Encore jeune, il rencontre la mort : celle de Caroline, sa sœur, en 1846 ; peu après, celle de son ami Alfred Le Poittevin.

Un homme désabusé
Parmi les œuvres de Flaubert, de nombreux textes de jeunesse, composés entre 1836 et 1842, apportent un début de réponse : de Rêve d’enfer ou de Quidquid volueris aux Mémoires d’un fou, ce ne sont que crimes, abandons, trahisons, viols et sang, à l’exception de l’épisode romantique de la rencontre à Trouville-sur-Mer avec Élisa Schlésinger.
En 1840, Flaubert part pour les Pyrénées et la Corse. À Marseille, il vit avec Eugénie Foucaud de Langlade sa première « fouterie de délices ». Mais Gustave découvre qu’il n’y a d’amour possible que dans le rêve de l’amour, et non dans le monde réel.
Flaubert part faire des études de droit à Paris et traverse en 1844 une crise redoutable, physique et mentale, probablement l’épilepsie. Déjà émerge le projet de s’enfermer à Croisset, la propriété familiale, où il écrira tous ses livres.
Mais, avant la solitude, Flaubert voyage. Il part en Italie avec sa sœur Caroline, juste avant sa mort. Puis il voyage avec son ami Maxime Du Camp : en Bretagne, en 1847, puis en Orient, à Malte, Alexandrie, Le Caire… jusqu’à Venise. Flaubert est un voyageur attentif : il va voir, humer, palper, tandis que son écriture se fait sensuelle, picturale et garde la mémoire des femmes, des parfums, des moiteurs…

L’ermite de Croisset
À partir de 1851, année où il commence Madame Bovary, et, si l’on excepte le voyage à Carthage en 1858, Flaubert ne quittera pratiquement plus Croisset : ses aventures seront ses livres.

Un « type » exemplaire, Emma Bovary
Mal mariée, une jeune femme se dessèche d’ennui au fond de sa campagne, et combat comme elle peut son mal de vivre en prenant des amants. En réalité, peu importe le sujet : Flaubert sait déjà qu’en littérature, ce qui compte, c’est la manière. Pour que celle-ci prenne forme, il lui faudra six ans de travail sans relâche, avec, pour finir, un procès pour outrage aux bonnes mœurs et, malgré l’acquittement, l’écœurement devant tant de bêtise et de mauvaise foi. Mais quel roman ! Une progression impeccable, une écriture sobre, apparemment objective, brûlant pourtant de tout ce désir qui passe et s’accroche à Emma et peu à peu embrase tout : l’institution conjugale, la maternité, les règles sociales. La romantique héroïne meurt d’avoir pris ses désirs pour des réalités, tandis que la bêtise et la nullité de son entourage l’enserrent.

Un roman historique, Salammbô
Commencé en 1857, Salammbô paraît en 1862. Ce roman évoque la révolte des mercenaires contre Carthage après la première guerre punique, au IIIe siècle avant Jésus-Christ.  Flaubert s’immerge délicieusement dans son vrai ailleurs, la bibliothèque. Il cherche à tout ressusciter, bouleversé par la beauté de la Tunisie : en des scènes somptueuses, la couleur pourpre – dont Flaubert veut donner l’impression – enlumine ce texte magnifique.

Les dernières œuvres
À ce moment de sa vie, où il commence à compter dans le paysage littéraire du Second Empire, Flaubert exerce sa lucidité politique dans le seul domaine qui lui importe : le roman. Quand il entreprend L’Éducation sentimentale, il a conscience de faire justement œuvre politique, et on peut voir plus qu’une boutade dans sa laconique réflexion devant les ruines de La Commune : « Tout cela ne serait pas arrivé si l’on avait compris l’Éducation sentimentale. » Pour boucler ce dernier roman, contemporain et parisien, il lui faudra encore cinq ans (de 1864 à 1869). Sa Tentation de saint Antoine, toujours en chantier, le tourmente, et à peine l’Éducation sentimentale est-elle parue qu’il s’y remet et le termine enfin en 1872. Durant la rédaction, le vrai désert s’installe : mort de Bouilhet et de Duplan, ses plus proches amis ; année noire de 1870, où les Prussiens occupent Croisset ; mort de sa mère et de Théophile Gautier en 1872. « Aurai-je la force de vivre absolument tout seul dans la solitude ? » s’interroge l’ermite.
Avant qu’une hémorragie cérébrale ne l’emporte, le 8 mai 1880, Flaubert aura le temps de publier Trois Contes (« Un cœur simple », « La Légende de saint Julien l’Hospitalier », « Hérodias »). Bouvard et Pécuchet, grandiose et dérisoire épopée de la bêtise humaine restera inachevée. Les personnages sont deux gratte-papier qui, après de nombreuses expériences lamentables inspirées par leurs lectures, finissent englués dans la copie et la citation, au milieu d’une anthologie de textes saugrenus, au premier rang desquels figure Le Dictionnaire des idées reçues.